Street photo : que dit la loi ?

Les explications de Joëlle Verbrugge, avocate, dans une interview à la chaîne YouTube Som Picture.

A t-on le droit de prendre des gens en photo dans la rue ?
Oui, car il y a un principe fondamental en démocratie qui est celui de la liberté d’expression, et dans cette liberté d’expression on range la liberté d’expression artistique.
En vertu de ce principe là, la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt concernant une photo du photographe François-Marie Banier, qui représentait une dame qui tenait un chien en laisse en étant au téléphone, publiée dans un livre. La dame n’avait pas apprécié de figurer dans ce livre et elle avait assigné le photographe et son éditeur en invoquant son droit à l’image et en disant qu’on lui avait violé sa vie privée. Elle a perdu en première instance et en appel. La Cour d’appel de Paris dans un arrêt rendu en 2008 a rappelé d’une part le principe de liberté d’expression et a précisé qu’on ne pouvait mettre de limite à cette liberté que dans deux cas : soit si la photo est contraire à la dignité humaine, soit si la personne elle-même démontrait que la diffusion de la photo lui avait causé des conséquences d’une particulière gravité.

Que faire si quelqu’un vient nous dire de supprimer une photo ?
Lui répondre qu’on ne les a pas mis dans une situation dégradante, que c’est juste une photo d’une scène de rue, que la jurisprudence me confirme que j’ai le droit de le faire et que s’il le souhaite, on lui transmettra par mail les références précises.
Les policiers et les forces de l’ordre n’ont pas le droit de demander d’effacer une photo.

Lieu public, lieu privé ?
Un lieu public au sens du droit à l’image est un lieu dans lequel tout le monde peut rentrer, même s’il faut payer un droit d’entrée (salons, cinéma, piscine…).
Si le lieu est privatisé, s’il faut donner son identité à l’entrée, alors le lieu est privé.

C’est quoi le droit à l’image ?
C’est un droit personnel qui découle d’une construction jurisprudentielle, fondée sur l’article 9 du Code civil et qui dit « Tout individu a droit au respect de sa vie privée ».
C’est donc le droit pour une personne représentée sur une image, fixe ou animée, de refuser la diffusion de son image dans certaines conditions : si c’est contraire à la dignité humaine, si ça lui cause des conséquences d’une particulière gravité et qu’elle le démontre.
Les juges vont apprécier différemment si l’utilisation est artistique ou si c’est une utilisation commerciale (dans ce dernier cas, jamais sans l’autorisation de la personne). La difficulté va être de tracer la limite entre le commercial et l’artistique.
Le droit à l’image est un droit personnel, qui découle du Code civil, qui naît et meurt avec la personne.
Le droit d’auteur découle lui du Code de la propriété intellectuelle, il naît avec la naissance de l’oeuvre et dure jusque 70 ans après le décès de l’auteur pour une partie des droits, et dure ad vitam aeternam pour les droits moraux (exiger qu’on mette le nom de l’auteur sur l’oeuvre, ne pas dénaturer l’oeuvre).

Pour retrouver l’interview complète, cliquez ici.

Le site de Joëlle Verbrugge : https://blog.droit-et-photographie.com

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